Albert est marié à Margaret ; Denis est marié à Sandra. Deux vieux couples parfaits, aimants. Qui sont aussi les meilleurs amis du monde depuis 50 ans. Sauf qu’à l’article de la mort, Sandra avoue à Albert qu’elle l’a toujours aimé. Albert, à son tour, révèle aimer secrètement Sandra à sa femme Margaret qui aimait… À force d’aveux et de révélations, qui aime réellement qui dans cette histoire, où les fictions s’emboîtent les unes dans les autres jusqu’au vertige ? Tout en jeu de reflets, de flashback et de chansons, la pièce fait virevolter nos certitudes dans un mélange explosif, drôle et terrible à la fois.
Ce texte de Viripaev se rapproche étrangement des premiers textes de l’auteur, et particulièrement d’Oxygène, puisqu’il s’agit d’un spectacle sous la forme d’un talk show : les acteurs y racontent leurs personnages à travers un flux de paroles, au lieu de les incarner de manière classique. Ils les incarnent en fait autrement, et c’est tout ce qui fait la particularité et la richesse de la dramaturgie de Viripev, qui lui permet d’aborder des thématiques graves et profondes, avec une charge émotionnelle puissante, mais aussi avec distance et humour. Illusions parle de l’auto-tromperie dans laquelle nous vivons jusqu’à ce que la mort y mette un terme ; le texte parle de la façon dont notre imagination crée des réalités qui peuvent devenir plus vraies que la réalité elle-même. Plus précisément, deux couples de vieux sont racontés, présentés et construits par les jeunes comédiens. Il s’agit d’une sorte de jeu d’échec où la stratégie des personnages se mêle constamment à l’irrationalité de leurs émotions, en créant par là-même un mélange explosif – tout à la fois drôle et tragique. Au fil de la confession et du dévoilement de soi, chacun réactive et réanime sa vie, pour former un quatuor amoureux, alors qu’ils finissent par ne plus pouvoir distinguer la réalité de la fiction. Dans ce texte, Ivan Viripaev crée une rencontre paradoxale entre la philosophie orientale et le soap opéra à l’américaine. La pièce s’achève alors dans une sorte de vide métaphysique où seule résonne l’éternelle question, récurrente de la pièce : « Mais il doit bien y avoir un minimum de constance dans ce monde ? »
Texte : Ivan Viripaev
Mise en scène : Galin Stoev
Avec : Raphael Bedrossian, Flora Bourne-Chastel, Elsa Canovas, Jean-Baptiste Florens, Sarah Glond, Lou Granarolo, Valentine Lauzat, Nelly Lawson, Marilou Malo, Pauline Masse, Jérémy Petit, Aurélien Pinheiro, Willie Schwartz
Chorégraphie : Jérémy Petit
Lumière : Pierre Montessuit avec l’aide d’Elsa Revol
Production : Compagnie 910
Traduction française : Tania Moguilevskaia et Gilles Morel