Portrait d’une famille face au drame : quand le comique fait la nique au chagrin.
Chez les Dunel, quand Anna disparait, chacun réagit comme il peut : faire les courses, s’engueuler, refouler son chagrin, rire aux éclats, danser la musique à fond, se faire engueuler aussi, préparer en boucle les menus de la semaine, avoir des tocs, poser trop de questions aux adultes. Tout pour surtout oublier d’enterrer l’urne d’Anna.
Mais bon sang ! D’ailleurs, où est-elle passée cette urne ?
Théâtre Odyssée - L'Escale, Levallois (92)
Jeudi 25, vendredi 26 et samedi 27 mars 2021 à 14h00
Texte et mise en scène : Isabelle Jeanbrau
Musique originale : Daniel Jea
Nouvelle distribution Bruno Paviot, Anne-Charlotte Dupuis, Matthias Guallarano, Alban Gérôme, Vijaya Tassy
Et les musiciens : Daniel Jea (guitare) et France Cartigny (batterie)
Scénographie : Nicolas de Ferran
Création lumière : Amandine de Boisgisson Voiron
Coproduction : Cie Siparka et Passage production
Diffusion : Passage production
Création Théâtre Lucernaire Paris, 2017
Prix Festival d'Auteurs de Sucy-en-Brie : "Meilleur acteur", "Meilleure actrice", "Meilleure pièce"
Texte publié aux éditions Les Cygnes
Faire faire la grimace au drame : rien de plus grotesque !
Ce qui m’importe en tant qu’auteure, est avant tout de faire rire de ce tragi-comique dans lequel le déni entraine les personnages. Peindre une famille écrasée par le drame et qui se lance à corps perdu dans la négation du chagrin. La mort presque transmuée en source de joie par des adultes hagards qui réfutent tout tragique pour épargner de la douleur aux enfants.
La pièce se déroule sur trois tableaux que 20 années d’une vie désormais sans la mère, séparent… Les enfants devenus adultes prennent enfin la parole et viennent récupérer « leur mère » pour la mettre là où chacun lui refuse sa place : au cimetière.
Les personnages se parlent sans cesse sans jamais s’écouter. Chacun ne pense qu’à continuer à vivre, à manger, dormir, se soucier des petites choses du quotidien. La drôlerie des situations autant que leur gravité mène la danse. Drame que cette comédie humaine !
A fuir de toutes ses forces le chagrin, cette famille danserait presque sur le lit de mort de la mère, pour l’exorciser rendant les situations loufoques. Mais la petite musique de la mort rode…
Ainsi la guitare vient faire entendre le personnage de la mère mourante, puis défunte, partition émotionnelle de ce personnage qu'on ne voit jamais, murmure des non-dits au sein de cette trop humaine famille…
Mon frère Daniel Jea collabore à ce spectacle qui touche à notre enfance commune en tant que guitariste professionnel et auteur compositeur.
La proposition d’Isabelle de créer un personnage dramatique au cœur de son histoire a tout de suite été un enjeu exaltant pour le musicien rock que je suis.
Dans "Le Déni d’Anna", la musique prend une place entière dans la dramaturgie, incarne réellement un personnage, là, qui envahit l’espace, ainsi que la vie des autres, présents, et cherche à faire exister une dimension émotionnelle chez eux qu’ils refoulent. Mon univers d’auteur compositeur, notamment celui du dernier album, a été particulièrement parlant pour Isabelle lorsqu’il s’est agi pour elle d’immiscer dans sa pièce une puissance émotionnelle indicible par les mots. Elle a eu tout de suite l’idée dans son travail de mise en scène de me faire interpréter à la guitare le personnage de la mère dans une présence absente au plateau, puis en cours de scène, de me faire apparaître sur scène pour matérialiser pour le spectateur ce personnage sonore, par la présence charnelle du musicien que j’étais.
Il s’est agi pour moi dans cette aventure théâtrale de fondre ma composition à la guitare dans une expressivité sensible et encore une fois charnelle, pour donner toute sa place au personnage de la mère que la guitare fait vivre. Mais encore de créer des moments musicaux chargés d’emporter l’imaginaire du spectateur plus loin encore dans ses propres réminiscences.
Dans "Le Déni d’Anna", j’avais à faire entendre avec ma musique toujours sur le fil et aux résonances rock, un univers plein, à me glisser dans la narration. Il m’a semblé passionnant et riche d’être présent au plateau et d’accepter une incarnation qui met en présence la guitare et la batterie, d’une façon bien plus vivante bien plus que ne l’aurait rendue une bande son enregistrée.
Porter vers le public, la fabrication au plateau de l’union de deux paroles dramaturgiques, le texte de l’auteure Isabelle Jeanbrau et ma partition musicale, fait beaucoup à mes yeux l’originalité de cette création théâtrale, "Le Déni d’Anna"